Marchés de la flexibilité : qu’attendre des technologies hydrogène ?

De l’hydrogène à en voir de toutes les couleurs

Il est important de préciser en préambule que nous parlons d’hydrogène produit à partir d’électrolyse de l’eau et non à partir de reformage de gaz naturel (SMR, Steam Methane Reforming), pratique encore très courante de nos jours.

Cet hydrogène sera alors vert, jaune ou rose suivant la provenance de l’électricité et non gris lorsqu’il est produit à partir de SMR [1].

Electrolyse de l’eau : quelles sont les technologies utilisées ?

Les électrolyseurs alcalins ont longtemps été utilisés pour produire de l’hydrogène à partir de l’eau. Cette technologie est peu à peu remplacée par des technologies plus flexibles, les PEM (pour « Proton-Exchange Membrane » ou « membrane échangeuse de protons »). 

Les principaux avantages des PEM sont qu’ils peuvent moduler la puissance de consommation électrique très rapidement, mais qu’ils ont également la capacité de produire au-delà de la puissance nominale pendant une durée déterminée, au contraire d’un alcalin.

Un électrolyseur alcalin peut également être utilisé en combinaison avec du stockage plus court terme par exemple avec des batteries. C’est l’organisation du marché et finalement les prix qui permettront de dégager l’une, l’autre ou les deux solutions.

technologie PEM H2
Figure 1 : Principales caractéristiques techniques des technologies Alcaline et PEM

Electrolyse PEM : une solution pour de l’H2 accessible ?

Les électrolyseurs, notamment les PEM, peuvent donc moduler leur puissance de consommation d’électricité de façon très flexible. Ainsi, il est possible de produire de l’hydrogène au moment le plus opportun. Une PEM raccordée à une centrale EnR pourra par exemple valoriser un surplus de production qui serait normalement écrêté à cause de la congestion du réseau électrique à un prix assez bas et exonéré de tarif d’utilisation du réseau. 

Si, en plus, l’électrolyseur produit de l’hydrogène depuis le réseau lorsque la centrale ne produit pas, cela peut permettre d’atteindre des facteurs de charge de l’électrolyseur intéressants et donc des prix de l’hydrogène assez bas. Il convient évidemment de noter à ce stade que la flexibilité de la production doit aller de pair avec la flexibilité de la consommation, le plus souvent en ajoutant un stockage d’hydrogène qu’il faut considérer dans le modèle d’affaires.

cout production H2
Figure 2 : Coût de production de l’hydrogène à partir d’électrolyse de l’eau dans différents cas (source : ADEME)

Raccordée au réseau, une PEM pourra produire plus lorsque les prix sont les plus bas, vraisemblablement lorsqu’il y a un surplus de production renouvelable à coût marginal faible. Mieux, l’électrolyseur peut aider à stabiliser la fréquence du réseau au travers de sa participation à la réserve primaire ou secondaire. Cette possibilité est d’autant plus importante que l’augmentation de la pénétration renouvelable dans le mix énergétique déstabilise le réseau. 

En offrant sa flexibilité au réseau, l’électrolyse PEM peut faire gagner environ 5% de revenus supplémentaires lors de la vente d’hydrogène, en incluant les coûts relatifs au stockage qui deviennent nécessaires lorsque la production n’est plus couplée directement à la consommation.

Et le Power-to-Power ou P2P ?

Le power-to-Power (P2P) représente l’association d’un électrolyseur avec un stockage d’hydrogène et une pile à combustible pour produire de l’électricité à partir de l’hydrogène stocké. Le P2P peut alors être considéré comme un système de stockage long terme de l’électricité, fournissant ainsi les mêmes services qu’une batterie ou un barrage hydroélectrique : arbitrage sur les marchés, services système ou remplacement des générateurs diesel en zones hors-réseau ou à réseau plus faible (par-exemple dans les Zones Non Interconnectées, les ZNI).

Les coûts actuels (environ 10-15 M€ d’investissement pour pouvoir fournir 1 MW de service) ainsi que les pertes associés (>50%) peuvent sembler prohibitifs au vu des revenus atteignables sur le marché français : les revenus ne dépassant pas les 200 k€ / MW / an (revenus de la réserve secondaire actuelle), ou lorsque l’on compare cette solution avec des moyens de production off-grid tels que la combinaison PV + stockage (LCOE d’environ 200 € / MWh pour un coût actuel de l’énergie stable d’environ 300 € / mWh pour PV + H2)*. Les cas d’intérêt se limitent alors à quelques zones non atteintes par le réseau, où le coût de l’approvisionnement en diesel est trop élevé, ou lorsque la consommation d’énergie électrique est associée à la consommation d’hydrogène (mobilité, extraction pétrolière…).

Cependant, quelques indices peuvent nous laisser croire que le P2P pourra jouer un rôle plus important dans le futur. RTE a, par exemple, récemment publié une étude prospective sur le futur mix énergétique français en 2050**. Le P2P a sa place dans la plupart des scénarios afin de valoriser un surplus d’énergie renouvelable. Ensuite, de nombreux projets R&D et démonstration se développent aujourd’hui. On peut citer les projets Myrte et CEOG en ZNI française, mais également REIDS ou Dunsfold Park par exemple.

scénario demandes hydrogène
Figure 3 : Demande d’hydrogène dans les différents scénarios (de droite à gauche, la pénétration en énergie renouvelable augmente dans le mix français) selon RTE

La rentabilité des projets P2P dépendra de la pénétration d’énergie renouvelable, et donc de la présence d’énergie à faible coût à valoriser, de la décroissance prévisible des coûts des systèmes (notamment électrolyseur et pile à combustible) et de la possibilité d’un stockage long terme peu onéreux.

*Source enersquid.com
**https://www.rte-france.com/analyses-tendances-et-prospectives/bilan-previsionnel-2050-futurs-energetiques 

Article rédigé par Alexandre THIERY, Project Manager

[1] Il convient maintenant de se référer à l’ordonnance n°2021-167 du 17 février 2021 pour classer l’hydrogène suivant un seuil de contenu CO2 de l’hydrogène qui n’a pas encore été défini mais qui devrait vraisemblablement être fixé à 3 kgCO2/kgH2.

type hydrogène
Figure 4 : Présentation de la DGEC – Journées hydrogène dans les territoires de Dunkerque (Sept 2021)

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